Camélia KERKOUR

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Semer le progrès au lieu de récolter du vent

Le plus souvent , c’est le déficit patent en matière de formation et d’éducation qu’on évoque au Maroc, oubliant  dans le sillage de cette idée, le fait que l’environnement national, politique, économique, social et même culturel tellement dégradé , où baignent les jeunes marocains ; n’arrive même pas à retenir au pays les rescapés parmi ceux-ci  .

Deux facteurs parmi tant d’autres  en sont les révélateurs :

L’égalité en discours et en images

L’égalité en discours et en images

HEM Business School et l’université Mohammed V de Rabat ont créé conjointement en janvier 2016,par la voie d’Economia, centre de recherche de HEM et de la faculté des lettres, la Chaire Fatéma Mernissi. Cette chaire s’intéresse aux différents domaines sur lesquels Fatéma Mernissi avait travaillé, à savoir : "Femmes/hommes, société et démocratie" "Médias et cultures" "Jeunes et dynamiques locales à l'ère de la mondialisation" "Economie réelle et actions sociales".

Les écueils de la mercantilisation de l’art

Les écueils de la mercantilisation de l’art

Auteur : Laurent Cauwet

L’art contre « l’entreprise culture ». Telle est l’opposition radicale que souligne Laurent Cauwet, responsable de la cellule éditoriale Al Dante et organisateur d’interventions poétiques indépendantes. En cause, l’emprise d’une marchandisation dans tous les domaines, qui a conduit à façonner la relation entre artistes et financeurs, qu’ils soient privés mais aussi publics, sur le modèle de l’entreprise. « De Glenn Gould à Bigard en passant par Buren, Beyoncé, Baudelaire, la blanquette de veau ou la coiffe bigoudène, on ratisse large. Les noms deviennent des labels, autant de promesses de produits culturels de qualité dont la consommation dit quelque chose de qui on est. » Les œuvres sont désormais traitées comme des produits. Quant aux artistes, sous couvert d’une « reconnaissance » mesurée à l’aune des commandes et des subventions, ils se retrouvent en dépendance et aliénés vis-à-vis des bailleurs de fonds.

La liberté intrinsèque que suppose la démarche artistique est détournée d’une manière insidieuse et redoutable. Il n’est plus question ici d’une relation classique de mécénat, comme à l’époque des Médicis, mais d’une mise sous tutelle et d’un désamorçage de ce que l’art a de subversif.Laurent Cauwet s’inquiète du caractère insidieux de la méthode, « donnant à chacun l’illusion d’affirmer sa singularité, ses intentions critiques, éventuellement ses velléités transgressives », du caractère redoutable de la censure que cela induit : « La prolétarisation des savoir-faire de l’art et de la pensée oblige à pratiquer avec plus ou moins de subtilité l’autocensure et le formatage des œuvres commandées. »

Musèlement insidieux

Cette « domestication de la pensée et de la création » aboutit à la « séparation radicale entre les lieux de la création et ceux de la critique sociale et politique ».Ainsi, la charge politique et citoyenne que portait la notion d’art dans la rue dans les années 1960-1970 se retrouve vidée de son sens, transformée en « une arme étatique efficace, dont le rôle est de placer le sujet dans une totale passivité, en remplaçant la mise en partage d’un désir de sens par une attitude servile de consommateur abruti ».La culture devient alors un « instrument de contrôle et de conquête des populations », d’abord à destination des quartiers populaires, qui sont les premières victimes au quotidien de la violence étatique, et à l’étranger, dans une politique de maintien d’un leadership économique et politique. « Là où le policier menace, l’artiste amadoue », ironise Laurent Cauwet, qui déplore qu’on utilise l’humanismecomme « étouffoir du politique », pour « la sauvegarde des privilèges des classes moyennes ». Il énumère quelques exemples où la culture a été la façade d’opérations de propagande, comme l’opération Tel-Aviv sur Seine, dans le cadre de Paris-Plage 2015. Marseille Capitale européenne de la culture 2013 avait été, estime l’auteur, « une immense entreprise de blanchiments multiples » et « de gentrification sans précédent », reléguant les populations « indésirables dans des banlieues toujours plus éloignées ».

Laurent Cauwet dénonce l’équation faisant du capital la « confirmation de la liberté de l’artiste » : la rémunération de ce dernier « est autant liée au travail fourni qu’à son accommodement de la domestication ». Il note une censure d’un nouveau type, reconnaissant à l’art sa dimension critique pour mieux l’encadrer : « Ce qui est demandé à l’artiste n’est plus de produire des gestes critiques, mais d’obéir à l’injonction de produire des gestes critiques ».Et gare à qui serait vraiment subversif : en mai 2016, la grève des étudiants des Beaux-Arts de Paris, envisageant d’ouvrir l’école au public, a tourné court, suite à l’injonction qui leur a été faite de protéger le patrimoine contre des « menaces extérieures »… Laurent Cauwet déplore le « règne de l’individualisme le plus strict » qui entrave l’émergence d’une conscience commune aux artistes : « Ces mêmes auteurs et artistes, qui sont à l’avant-garde de la critique sociale en utilisant un outillage théorique emprunté à Bourdieu, Linhart, Marx, Debord, Curnier, Kurz et consort… sont souvent timorés, et pour le moins d’arrière-garde lorsqu’il s’agit de leurs relations avec leurs propres employeurs. » Il interroge les limites entre une quête légitime de moyens pour vivre dignement et la compromission. Il ironise sur le terme galvaudé de bohème, rappelant le prix à payer pour ses choix.

Ce phénomène, déjà inquiétant de la part des pouvoirs publics, s’aggrave avec la multiplication des partenariats public-privé. Laurent Cauwet dénonce l’utilisation de musées publics par de grandes entreprises à des fins publicitaires, comme l’exposition « Ultra peau » initiée par Nivea au Palais de Tokyo à Paris sous couvert de sponsoring. Il s’indigne que le pavillon français à la Biennale de Venise soit sponsorisé entre autres par BNP-Paribas, alors mise en cause pour « complicité de génocide, de crime contre l’humanité et de crime de guerre » pour avoir participé au financement illégal d’achat d’armes automatiques utilisées dans le massacre des Tutsi en 1994. Il pointe la « confusion entre politique entrepreneuriale et pratique artistique » et la « déresponsabilisation de l’artiste ». Il s’indigne surtout que les fondations de grands groupes servent aussi à faire oublier un passé de collaboration pendant la Seconde guerre mondiale (Vuitton), ou de soutien à l’apartheid (Cartier). La « dimension contextuelle », centrale dans l’art contemporain, est ainsi perturbée par la présence de sponsors dont les pratiques sont à l’opposé du message de l’artiste. Quand il ne s’agit pas de censure pure et simple. Ainsi Nation Estate de l’artiste palestinienne Larissa Sansoura été évincée du prix Élysée-Lacoste à Lausanne, car le sponsor a estimé que son œuvre était « exagérément pro-palestinienne » : il lui a demandé de signer un document « annonçant son intention de ne plus participer à la compétition pour des raisons personnelles « afin de se consacrer à d’autres opportunités » ». Si le marché avait au XIXème siècle émancipé les artistes de l’arbitraire du prince, Laurent Cauwet décrit l’excès inverse, où le totalitarisme marchand parvient à détourner les pouvoirs publics de leur mission.

 

Par Kenza Sefrioui

La domestication de l’art, politique et mécénat

Laurent Cauwet

La Fabrique, 176 p., 160DH

 

 

 


Agir sur le déficit en opportunités améliore la mobilité sociale

Agir sur le déficit en opportunités améliore la mobilité sociale

Shana Cohen apporte son éclairage sur la question des inégalités en répondant à un certain nombre de questions.

Évoquer ce qui est juste et ce qui ne l’est pas implique l’existence d’un ordre moral et d’une préoccupation sociale. Cette approche suppose le rejet catégorique de toute dévalorisation de la dignité humaine en raison de statuts économiques. Aujourd’hui, on assiste à une situation dans laquelle la capacité de choisir sa vie se réduit considérablement, ce qui devient un indicateur évident d’inégalité, entraînant un déficit d’opportunités pour la mobilité sociale, ainsi qu’une incapacité à sauvegarder même le statut familial existant. Cela a des effets sur le terrain politique, notamment à travers la montée du populisme et des idées autoritaires. Sans céder sur les valeurs, les réponses appropriées à ces défis sont appelées à être pragmatiques. À titre d’exemple, la politique éducative ne doit pas se réduire à joindre le système éducatif et le marché du travail, mais doit aller au-delà pour assurer aux élèves des écoles et des lycées un savoir les préparant mieux à accéder à l’université, à devenir des citoyens capables d’affronter les incertitudes et à améliorer leurs opportunités dans la vie.

En outre, l’État ne peut réduire les inégalités uniquement par le biais de politiques publiques spécifiques ; il y a également d’autres volets qui font partie de ses obligations dont les effets impactent celles-ci : il doit investir dans les services publics et créer un environnement réglementaire dans le secteur privé contre les distorsions génératrices d’inégalités.

 

Des inégalités à l’indignation

Des inégalités à l’indignation

L’objet de ce papier est de produire une réflexion analytique sur ce que suscite la société inégalitaire du point de vue de celles et ceux qui la subissent. D’abord, en distinguant les individus qui font dans la résignation, considérant les inégalités comme une sorte de fatalité, une prophétie auto-réalisatrice. En deuxième lieu, en tentant de comprendre les mécanismes de cette réaction par l’indignation, qui est l’un des étalons pour mesurer la justice sociale et le début d’une prise de conscience de la ruse du management des inégalités pour recaler les individus « sans qualités ». En dernier lieu, nous verrons comment les inégalités donnent souvent lieu à des ripostes protestataires, mais dont la théorie sociologique est loin de livrer les mêmes explications.

Mesures et tendances des inégalités monétaires

Mesures et tendances des inégalités monétaires

Cette contribution dresse un état des lieux des inégalités monétaires au Maroc. Elle prend appui sur les principaux indicateurs de mesure des inégalités à partir des données disponibles sur la répartition des dépenses de consommation des ménages. Pour mesurer l’ampleur des inégalités dans toutes leurs formes et manifestations, il est cependant nécessaire de tenir compte, en plus de la dimension monétaire (revenus, patrimoine….), des dimensions non monétaires (éducation, santé, accès au logement…).

Retombées des inégalités salariales de genre

Retombées des inégalités salariales de genre

Ce travail de prospection couvre la période entre 1991 et 2007. Il aborde la question de la discrimination salariale en termes de décomposition entre ce qui est objectif et ce qui est pure discrimination, de poches sociales et sectorielles, de tendance et de coût économique. Il s’avère ainsi que le pays continue à payer le prix de cette discrimination en termes de développement humain et économique. Déjà en 2007, le Maroc affichait une perte des revenus salariaux, estimée à 30,4% à cause de l’inégalité des salaires due, en partie, à la discrimination salariale envers la femme. 

Youth policies and social justice in Morocco1

Youth policies and social justice in Morocco1

Les niveaux élevés de chômage chez les jeunes et les conditions d’emploi précaires ont contribué à leur pauvreté et à leur exclusion sociale. La situation est d’autant plus préoccupante lorsqu’il s’agit des jeunes sans qualification non seulement en raison des difficultés rencontrées dans la phase de transition vers l’âge adulte, mais aussi de leurs répercussions sur toute leur trajectoire. La proportion toujours croissante des jeunes qui ne sont ni à l’école, ni en emploi, ni en formation nécessite certes des mesures très coûteuses à prendre mais qui sont largement compensées par les effets positifs à moyen et long terme.

Les politiques d’emploi pour les jeunes doivent s’appuyer sur des mécanismes de protection sociale qui les visent spécifiquement. L’amélioration de l’intégration des jeunes doit être conçue comme une responsabilité collective nécessitant l’implication de l’ensemble des acteurs (pouvoirs publics, partenaires sociaux et organisations de jeunes).

 

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