Entreprise-cité, le couple improbable

S’il y a une tendance majeure, ayant le vent en poupe sous les auspices d’une mondialisation en crise, c’est bien la confusion des genres entre entreprises privées et politiques publiques. Cela se traduit par le retour de l’autorité des États claironnant le souverainisme ou l’isolationnisme (selon la puissance des uns et des autres). Et cela donne lieu à un vrai-faux désengagement économique des États au profit d’entreprises alliées, de plus en plus mises au devant de la scène publique. En somme, une reconfiguration politique des rapports entre États et entreprises est en cours.


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Entreprise et cité

Les travaux en sciences humaines et sociales, traitant de l’articulation « Entreprise et cité », sont relativement nombreux.  Ces travaux, qu’ils relèvent de gestionnaires, d’économistes ou de sociologues, abordent cette articulation principalement à travers un triptyque : le rôle économique, social et sociétal de l’entreprise.

Attentat contre le cinéma

Attentat contre le cinéma

Auteur : Jean-Louis Comolli

Le réalisateur français Jean-Louis Comolli analyse les vidéos de mise à mort qui servent à la propagande de Daech.

 

Si le cinéma est peuplé de morts qui se relèvent, filmer la mort est autre chose. Et qu’une caméra soit attachée au corps d’un tueur, là est le scandale. « J’ai essayé de comprendre cette extravagance et ce qui, en elle, porte atteinte à la beauté comme à la dignité du geste cinématographique », explique Jean-Louis Comolli avec l’espoir de « sauver le cinéma de ce qui le salit, condensable dans la formule du tout visible ». Réalisateur, écrivain, ancien rédacteur en chef des Cahiers du cinéma, il nous propose une réflexion aussi passionnante que nécessaire sur l’acte de filmer.

Il commence par s’imposer la description, en termes succincts mais néanmoins glaçants, de quelques-unes des exécutions avec lesquelles Daech a épouvanté le monde. Premier constat : le professionnalisme de l’organisation, dont le studio Al-Hayat Media Center produit des films dans les règles de l’art : cadrage, enregistrement et projection. « Tous sont coiffés de génériques en images de synthèse, avec effets visuels et sonores, parfois, souvent, une musique militaire entraînante, des airs guerriers de marche… » Et dans tous les cas, une mise en scène. « Il ne s’agit pas seulement de faire voir, il s’agit de montrer, avec toute l’obscénité que porte cette insistance. L’insistance même de la plupart des films pornographiques, que ne rebutent ni les répétitions ni les très gros plans. Il ne s’agit pas seulement de voir, mais de voir en détail. » Ici, aucune place laissée au hors-champ, à cette « réserve d’espace et de temps qui pourrait être consommée, ou non ». Second constat : la capacité, jusque là inédite, de Daech à rendre visibles ses films aux quatre coins de la planète un temps record, grâce au numérique.

L’essai de Jean-Louis Comolli témoigne de son courage à avoir affronté ces films. Pour répondre à l’horreur, l’auteur prend appui sur les fondamentaux de l’art cinématographique et surtout sur son éthique. Il y a, rappelle-t-il, un lien ancien entre l’image et la mort, que le cinéma depuis un siècle tente de rendre « imaginairement réversible » : « Filmer la mort, c’est la faire passer dans le domaine des images, sous le régime des représentations, dans cette zone intermédiaire entre réel et irréel ». C’est donc résister à la toute-puissance de la mort par le principe de non-réalité, d’illusion. C’est célébrer la vie.

 

Un dispositif de cruauté

 

Mais dans ces « clips de la mort », ce qui est mis en scène, c’est une mort réelle. Les codes de représentation font référence à des éléments bien réels : la violence de Daech se pose en miroir d’autres violences, les uniformes de ses condamnés ont la même couleur orange que ceux des prisonniers de Guantanamo. Malgré le fait que le bourreau sourit – « s’il n’était pas filmé, sourirait-il ? », malgré le parallèle que relève Jean-Louis Comolli avec la société du spectacle et le syndrome de la séparation (tête coupée) pensées par le situationnisme, il n’en demeure pas moins que ces films montrent une « scène du crime » réelle. Or, tout spectateur de cinéma ayant appris à ne pas confondre réel et représenté envisage spontanément qu’il puisse s’agir d’un simulacre, que ce qu’il voit « demande à ne pas être cru », s’appuyant pour se faire un jugement et donner un sens aux images, sur « ce qu’il sait du film avant la projection ». De ce fait, il ne peut que s’interroger sur son rôle à la vue du film. « Les clips de mise à mort de Daech soulignent l’impuissance du spectateur à « empêcher imaginairement » ce qui arrive sur l’écran », à le subir « de manière de plus en plus masochiste ». Et Daech transforme cette impuissance à s’engager en indignité. Une démarche totalitaire, au sens où Hannah Arendt l’entendaient, avec abolition de la distinction entre vrai et faux. Jean-Louis Comolli relève d’ailleurs que Daech en faisant ces films pour se glorifier, franchit un pas dans l’horreur : même les nazis avaient soigneusement veillés à ce que leurs crimes ne soient pas médiatisés, voire avaient organisé la Solution finale pour que les assassins n’aient pas à voir leur victimes.

Ainsi, à la « misère esthétique » de ces films et à leur « principe pornographique », s’ajoute « leur déchéance éthique ». Leur dispositif de surenchère procède par répétition, volonté de toujours en montrer plus, tend vers le « trop plein ». Par ailleurs, « chez Daech, point de Requiem. La mort est filmée sans que ce à quoi elle pourrait ou devrait donner lieu atteigne à la dimension de l’art – laquelle est toujours un dépassement de la mort. » Et surtout, ces films veulent dénier toute liberté au spectateur, en l’empêchant non seulement d’imaginer ce qui aurait pu se passer – imagination qui peut être parfois pire que la scène elle-même –, mais aussi de refuser de croire à ce qu’il voit. Pire, en les prenant en otage moralement : « Les metteurs en scène de la torture que sont les exécuteurs de Daech savent bien qu’il faut un spectateur pour que l’horreur soit, qu’entre le bourreau et la victime il faut quelque chose d’un tiers, précisément ces êtres inconnus et du bourreau et du supplicié que sont les spectateurs, que c’est donc, seul, celui qui regarde l’action filmée, le spectateur, qui porte toute la charge de l’horreur. » Un ouvrage important à l’heure où la multiplication des écrans et l’omniprésence des images transforment et le statut de l’image et la responsabilité du spectateur.

 

Par : Kenza Sefrioui

 

Daech, le cinéma et la mort

Jean-Louis Comolli

Verdier, 128 p., 180 DH

 

 


Sens et valeurs de travail

Sens et valeurs de travail

Les séminaires menés par Economia, HEM Research Center en 2014/2015 sur la reconnaissance des individus dans les organisations, ont révélé avec acuité les difficultés et mal-êtres que vivent les salariés, dont la reconnaissance de leur travail et de leur personne est mise à mal par des systèmes managériaux peu stimulants. C'est dans le prolongement de ce constat que le centre de recherche de HEM a constitué une équipe pluridisciplinaire visant à étudier le sens et la valeur du travail dans les organisations marocaines. Dans un premier temps, l'étude se focalisera à explorer sur les secteurs de l'industrie et du commerce les tensions dans les complexes d'interactions qui lient politiques d'entreprises et aspirations individuelles, collectives et organisationnelles. Une meilleure compréhension du sens donné à l'action, des valeurs qui fondent et animent le travail, de l'intégration des collectifs, ou encore des dimensions de plaisir et de souffrance au travail, constituent des territoires clés, qui permettront aux managers de disposer de grilles de lectures utiles à une meilleure adéquation entre bien-être individuel et performance économique.

Au détroit d'Averroès
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Au détroit d'Averroès

Résumé :
Huit siècles et des poussières se sont écoulés depuis qu’Ibn Rochd est mort à Marrakech. Et Adib, enseignant de philosophie dans un lycée de seconde zone à Casablanca, tente encore
désespérément de faire entendre la voix de cet humaniste musulman, père de la raison, banni par les siens.
Chroniqueur à la radio, il lui consacre une série de contes inédits. En public, il raconte son rapport personnel, subjectif, non livresque, depuis tout jeune avec Averroès, son nom d’exil qui le troublait.


De quelques repaires juridiques à propos du sens du travail

De quelques repaires juridiques à propos du sens du travail

L’expression « sens de travail » renvoie à l'interrogation naturelle sur le "sens de la vie" et les "finalités de l'existence". Sans être totalement absente, sa dimension philosophique a été largement éclipsée dans les débats tant académiques que sociaux qui y ont recouru au cours des dernières décennies au sujet de "la fin du travail" ([1]) et de la justice sociale ([2]). Mais c'est sans doute l'usage qui en a été fait à l'occasion de la médiatisation du syndrome d'épuisement au travail qui lui a donné une portée opérationnelle en la greffant sur la vulnérabilité des travailleurs face aux nouvelles sujétions du travail imposées par l'innovation technologique et la quête sans limite de la performance.

Une formation si peu professionnelle

La question de la formation professionnelle reste à ce jour au Maroc une question munie de paradoxes. A y réfléchir, elle se présente en affaire élitiste qui s’adresse à un public réduit laissant dehors la grande majorité de la population. Même en termes d’organisation le principal outil national qu’est l’OFPPT reste concrètement à ce jour réfractaire aux prérogatives institutionnelles et politiques du pays. C’est un Etat souverain dans l’Etat du royaume du Maroc !

Éloge du pluralisme

Éloge du pluralisme

Auteur : Jan-Werner Müller

L’essayiste allemand Jan-Werner Müller décortique la notion de populisme et propose des méthode pour faire face à ce mal qui ronge les démocraties représentatives.

 

« Qui, au juste, n’est pas populiste ? », s’interroge Jan-Werner Müller au seuil de cet essai d’une brûlante actualité. Professeur de théorie politique et d’histoire des idées, spécialiste du théoricien nazi Carl Schmitt (Carl Schmitt, un esprit dangereux, Armand Colin, 2007), le chercheur allemand se penche sur ce phénomène qui s’est répandu comme une traînée de poudre aux États-Unis, en France, en Pologne, en Hongrie, en Italie, en Espagne, en Allemagne, en Turquie, mais aussi, et plus tôt, en Amérique latine. Et de s’interroger sur les critères qui font le populisme, qu’il se réclame de gauche ou de droite. Est-ce la référence au peuple ? Mais « les politiques, en démocratie, ne veulent-ils pas tous – ne doivent-ils pas tous – « prêter attention au peuple » ? » Est-ce cette « politique de l’émotion (ou même une politique « des tripes » » qui les caractérise ? Jan-Werner Müller propose dans ce bref ouvrage une « théorie critique du populisme », qu’il annonce d’emblée comme inextricablement liée à une « théorie de la démocratie ». Ce qui lui permet de clarifier les concepts et de balayer un certain nombre d’idées reçues, dont celles qui verraient dans le populisme l’image de la « démocratie originelle » ou bien un « un « carburant » pour une démocratie libérale où les éléments non démocratique (disons le libéralisme économique) auraient gagné d’une façon ou d’une autre ».

Pour lui, « le populisme est l’ombre portée de la démocratie représentative ». C’est donc un phénomène moderne, qui n’existait pas par exemple à Athènes. La première partie du livre fait le tour de la notion, d’un point de vue théorique. Le populisme n’est pas nécessairement une forme d’extrémisme. « La distinction entre populisme et démocratie ne recoupe pas la distinction entre extrémisme et centre libéral et modéré (quel qu’il soit) ». Il n’est pas non plus réductible à une approche simpliste ni un symptôme d’anti-intellectualisme, pas plus qu’il ne touche que les classes les plus fragiles : « Les vrais déclassés et menacés de déclassement ne votent pas forcément pour des partis populistes ». Jan-Werner Müller insiste sur la diversité des situations qui rendent le concept difficilement saisissable empiriquement. Il souligne ainsi l’existence d’un gender gap en Europe, où le populisme touche surtout les hommes, fait inexistant en Amérique latine. Il insiste aussi sur la perception du populisme, très négative en Europe, puisque compris comme régressif, alors qu’aux États-Unis, c’est « plutôt synonyme de progrès » : « En Europe, le populisme est principalement situé à droite et est bien souvent synonyme d’exclusion, alors qu’aux États-Unis, il est plutôt situé à gauche et associé à un projet d’inclusion de tous ceux que marginalise le capitalisme financier. »

 

« Nous sommes les cent pour cent »

 

S’il est un trait qui caractérise le populisme, c’est son opposition viscérale au pluralisme, qui prend la forme d’une « revendication morale d’un monopole de la représentation populaire ». « Les populistes considèrent que des  élites immorales, corrompues et parasitaires viennent constamment s’opposer à un peuple envisagé comme homogène et moralement pur – ces élites n’ayant rien en commun, dans cette vision, avec ce peuple. » Or, rappelle l’auteur, citant Jürgen Habermas, « le peuple ne se manifeste qu’au pluriel ». Et de critiquer toute approche psychologisante du populisme comme un contresens qui, en plus, rabasserait la politique à une « thérapie de groupe ». De plus, insiste-t-il, « les populistes ne s’intéressent absolument pas à la question de la participation des citoyens en elle-même » : ils s’en prennent non au principe de représentation politique mais aux représentants. Réclamer un référendum ne vise pas à « déclencher un processus de discussion ouvert entre électeurs », mais à « entériner ce qu’eux, populistes, ont toujours reconnu comme étant l’authentique volonté populaire (laquelle, très perfidement, ne serait pas mise en œuvre par la faute d’élites illégitimes guidées par leurs seuls intérêts) » - d’où un style politique « paranoïaque ». Bref, pour employer les concepts rousseauistes, à la représentation symbolique du peuple qui exprime la « volonté générale », le populisme préfère « l’esprit du peuple ».

La seconde partie du livre se penche sur le populisme en pratique. Il n’est pas réductible à une « anti-politique » qui aurait tôt fait de se dissoudre à l’épreuve du pouvoir : « Il est parfaitement possible d’être au pouvoir et de critiquer dans le même temps les élites, en l’occurrence les anciennes élites qui continueraient prétendument de tirer les ficelles en coulisses ». Exemples : Chavez, Erdogan, Kaczynski, etc. Jan-Werner Müller décrypte la praxis du populisme et en tire des leçons. « Celui ou celle qui entend défier efficacement les populistes doit  comprendre et prendre au sérieux cette dimension morale de la vision du monde populiste. Les démocrates libéraux s’illusionnent lorsqu’ils croient que l’argumentation rationnelle est ici efficace et qu’il suffirait également de montrer à quel point les populistes ont recours au clientélisme et à la corruption pour révéler automatiquement l’imposture morale et politique qu’ils représentent. » Dans la dernière partie, il fait le point sur les différentes réponses que les démocrates, notamment européens, ont formulées face au populisme depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. Réponse aux critiques portées par les populistes, réflexion sur la crise des institutions ou de la représentation, réflexion sur les questions identitaires… Quoi qu’il en soit, martèle-t-il, « il importe absolument de respecter les règles démocratiques, même si le populisme est tendanciellement anti-démocratique ». Aucune réponse qui adopterait la même prétention à représenter une voie unique ne serait légitime.

 

Par : Kenza Sefrioui

 

Qu’est-ce que le populisme ? Définir enfin la menace

Jan-Werner Müller, traduit de l’allemand par Frédéric Joly

Premier Parallèle, 200 p., 230 DH


Les Intentions Entrepreneuriales à l’étude

L’édition 2016 de « Global University Entrepreneurial Spirit’s Survey[1] » vient d’être publiée et couvre cette année 50 pays à travers le monde, dont le Maroc (données collectées par une équipe de l’université Abdelmalek Essaâdi à Tanger et Tetouan). Cette étude est réalisée auprès d’étudiants universitaires et est destinée à identifier, comprendre et analyser leurs intentions entrepreneuriales, c’est-à-dire leur volonté de créer leur propre entreprise à l’issue de leurs études.

Daniel Cohen, généalogiste de la volonté de croissance

Daniel Cohen, généalogiste de la volonté de croissance

Auteur : Daniel Cohen

Dans Le monde est clos et le désir infini, Daniel Cohen, économiste de formation et de métier, se fait volontiers philosophe, historien des idées… Et s’il se fait philosophe, c’est d’abord, comme généalogiste d’un Homme, celui de la Modernité.

Comment cette figure, certes des sciences, du discours, se fait-elle jour dans l’univers de la vie. Et, partant, du monde économique ? En se donnant corps et son âme, à une idée maitresse du projet dit moderne : celle de Progrès.

On pourrait, aujourd’hui, sans trop de peine, et non sans ironie, se payer le luxe de battre en brèche cette désormais vieille et, presqu’un peu honteuse notion, le Progrès ! Que signifie-t-elle, encore, dans le monde où nous vivons ?

Plus grand-chose, au fond, depuis que la philosophie qui l’a porta et fût portée par elle, se vit réduite au silence par les grands malheurs du vingtième siècle : colonisations, destructions de sociétés dites primitives, holocaustes, sanglots de l’Homme Moderne, retour des refoulés…

Oui, le Progrès, comme théologie, est mort, pour nous.

Mais, pour que la généalogie de Daniel Cohen soit possible, il convient de dire que c’est bien l’idée de Progrès qui aura permis à l’Occident de devenir la fabrique des désirs. De tous nos désirs d’individus sans lesquels, en vérité, les révolutions techniques, industrielles, n’auraient pas vu le jour. Sans lesquels, - nos désirs de sujets dits autonomes -, l’idée de Progrès n’auraient pas non plus conduit à celle, centrale dans le livre, de Croissance.

Oui, la Croissance, celle dont, habituellement nous parlent les économistes, les gens du chiffres, ne serait rien, au fond, sans la centralité,  inventée, et donnée par la Modernité à l’Homme dont elle considère que le génie est de créer un monde qui soi le reflet de sa génialité largement désirante.

Ainsi la Croissance, comme finalité de toute économie qui se respecte, est-elle, d’abord, fille d’un Homme nouveau, né au XVIIIème siècle, s’accordant à lui-même la centralité en toute chose. Celui dont Descartes disait qu’il était « comme maître et possesseur de la nature ».

Toute la pertinence du Monde est clos et le désir infini consiste, en premier lieu, à rappeler cette dimension, presque démiurgique, au fond, de l’idée de croissance. Et, même si Daniel Cohen ne le dit pas exactement en ces termes, on ne peut, à la lecture, ne pas la voir, émerger en creux.  La thèse d’un Homme Moderne, dont la puissance, certes réflexive et transformatrice mutant en une sorte de volonté de croissance est probablement essentielle, dans la thèse de Daniel Cohen.

Mais si la philosophie s’invite dans ce livre, pour le plaisir du lecteur soucieux de généalogie, il va de soi que le propos de l’auteur, est de rappeler que si la société industrielle a été l’apogée de la rencontre entre la volonté de croître et de faire croître, de l’Homme Moderne, la société dite numérique ne donne, pas en terme de progrès – techniques et économique – le droit de se féliciter des mêmes exploits que la parenthèse industrielle aura permis d’accomplir.

La puissance de manifestation de la croissance, comme volonté, pourrait bien même disparaître, à l’ère de l’économie dite numérique…

Exemple canonique ? L’industrie automobile, prise comme ce que l’on pourrait nommer un fait total… De progrès.

Oui, car l’automobile, si elle porte bien son nom, est bien l’illustration d’un progrès  - pour l’Homme et son autonomie, magnifique victoire sur l’espace et le temps, anciens… Pour l’économie, c’est-à-dire la création de richesses, comme objet susceptibles de créer l’une des plus formidables chaîne de valeur jamais conçue.

Ainsi l’ère post-industrielle qui est la nôtre, produirait-elle, - force Smartphones, réseaux sociaux, le désir perpétué d’un quant-à-soi sans cesse renouvelé, ne capitalisant que les contacts, au fond, plutôt que de créer les maillons d’une chaîne de valeur, désormais rompue. Un monde clos, fait de désirs infinis. Dont la croissance pourrait bien n’être plus que narcissique. Lorsque l’économiste se fait philosophe, il renoue avec une tradition un peu perdue, qu’on a plaisir à retrouver.

 

 

Par : Driss Jaydane

Le monde est clos et le désir infini

Daniel Cohen

Albin Michel, 224 p., 17,90 €


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