Les femmes invisibles

La journée internationale de la fille (le 11 octobre) nous rappelle, si c’est nécessaire, que la situation des filles dans le monde est encore fragile et que l’accès à l’éducation, l’emploi ou les postes de direction reste très inégal.

Cela m’a amené à réfléchir au rôle des femmes dans nos entreprises familiales. Et là, comme ailleurs, la marge de progression est significative.

Se libérer de la dette

Se libérer de la dette

Auteur : David Graeber

Dans une somme magistrale sur l’histoire de la dette, l’anthropologue David Graeber invite à repenser le sens des relations humaines.

 

Qu’est-ce qu’une dette ? « une promesse doublement corrompue par les mathématiques et la violence », conclut David Graeber au terme d’un périple intellectuel qui embrasse 5 000 ans d’histoire humaine sur tous les continents. Un défi que l’anthropologue américain, professeur à la London University et figure de proue du mouvement Occupy Wall Street, s’est lancé après la crise financière de 2008, convaincu que seul un travail comparatif de cette ampleur permettrait de comprendre la rupture historique en cours et de repenser notre perception des rythmes de l’histoire économique. Paru en 2011 aux États-Unis, l’ouvrage s’y est vendu à 100 000 exemplaires, et vient de sortir en français en poche.

Point de départ de sa réflexion : « L’énoncé « on doit toujours payer ses dettes » n’est pas vrai ». Il s’agit d’un énoncé moral et non économique, et l’auteur se fait fort de le remettre dans un contexte historique, où les vainqueurs écrivent l’histoire et dictent leurs lois. Il rappelle combien de pays sont écrasés par le service de dettes illégitimes, contractées par des dictateurs. Et il s’interroge sur la façon dont la monnaie a réussi « à faire de la morale une question d’arithmétique impersonnelle – et, ce faisant, à justifier des choses qui sans cela paraîtraient odieuses ou monstrueuses ».

Le livre se structure en deux grandes parties. La première, constituée des sept premiers chapitres, étudie la question de la dette à la lumière de l’anthropologie – l’auteur rend d’ailleurs un hommage appuyé à Marcel Mauss et à son magistral Essai sur le don. Il s’intéresse d’abord à ce qui sous-tend les échanges humains. Cela l’amène à s’attaquer en premier lieu au mythe du troc. Pour David Graeber, c’est le crédit qui a précédé le troc, et non l’inverse : « La monnaie virtuelle, comme nous l’appelons aujourd’hui, est apparue la première », en raison de la place du temps dans les relations humaines. Il se penche ensuite sur la question des dettes primordiales. Si l’activité principale de l’humanité consiste à échanger des choses, la théorie économique, notamment celle initiée par Adam Smith, minimise le rôle de la politique de l’État. Or « le vrai maillon faible dans les théories monétaires du crédit et de l’État a toujours été leur composante fiscale », relève l’auteur, en s’interrogeant sur le fondement de ce droit. Au-delà d’un achat de service comme en proposent aujourd’hui les États modernes, la relation à l’État s’appuie sur une dimension philosophique plus profonde : David Graeber souligne la synonymie, dans de nombreuses langues, entre le mot dette et ceux qui renvoie à la religion, à la culpabilité. « Le mot « payer » vient à l’origine d’un terme qui signifie « pacifier, apaiser » ». Bref, explique l’auteur, « Nous commençons notre existence avec une dette infinie envers quelque chose qu’on appelle « la société ». C’est cette dette à l’égard de la société que nous projetons vers les dieux. Et c’est cette même dette qui est ensuite due aux rois et aux États-nations. » Au cœur de cette réflexion, c’est donc la question de ce que se doivent ceux qui vivent ensemble. Cela soulève les notions de liberté, d’honneur, de temps, de hiérarchie, de réciprocité, de dignité, des rapports au sexe et à la mort, des formes de violences moralement acceptable (réduire sa fille en péonage pour rembourser ses dettes). David Graeber rappelle que l’esclavage se produit « dans les situations où, sans cela, on serait mort ». Il  puise ses exemples en Mésopotamie, dans la Grèce antique, à Rome, qui a façonné nos institutions en se centrant sur la propriété privée… « Faire l’histoire de la dette, c’est donc inévitablement reconstruire aussi la façon dont la langue du marché a envahi toutes les dimensions de la vie humaine ».

 

Une modalité parmi d’autres

 

Cependant, estime l’auteur, l’échange n’est qu’une des modalités des rapports humains, « parce qu’il implique l’égalité, mais aussi la séparation ». Et de pointer, au terme de ce tour d’horizon philosophique, anthropologique et juridique, le fait que « nous ne savons pas vraiment comment penser la dette ».

La seconde partie du livre fait un tour d’horizon des grands cycles historiques et de la manière dont chaque période a articulé les notions de monnaie, de dette et de crédit. L’Âge axial (800 av. J.-C.-600 ap. J.-C.) a pensé, dans un climat de violence importante, l’essence des pièces de monnaie et le matérialisme, et a vu « l’émergence des idéaux complémentaires des marchés des biens et des religions mondiales universelles ». Le Moyen-Âge (600-1450) a vu ces derniers fusionner, de l’Inde à l’Europe en passant par l’Islam. « La diffusion de l’islam a fait du marché un phénomène mondial, qui opérait pour l’essentiel indépendamment des États, selon ses propres lois internes ». David Graeber y souligne les liens entre finance, commerce et violence, avec l’idée que « le profit est la récompense du risque, », idée consacrée plus tard dans la théorie économique classique « mais très inégalement respectée en pratique ». Ensuite, l’âge des grands empires capitalistes (1450-1971), après les Grandes Découvertes, voit l’essor de la science moderne, du capitalisme, de l’humanisme et de l’État-nation, « la prise de distance avec les monnaies virtuelles et les économies de crédit », bref, le retour aux composantes de l’Âge axial, mais réagencées. Réflexion sur l’intérêt, la condamnation de l’usure… « Toutes les relations morales ont fini par être conçues comme des dettes ». Davie Graeber souligne la criminalisation de la dette et de « toutes les formes restantes du communisme des pauvres », et à remettre en question le discours du capitalisme sur la liberté : pour lui, ce système est fondé sur l’esclavage. « À aucun moment il n’a été organisé essentiellement autour d’une main-d’œuvre libre ». Enfin, à partir de 1971, date à laquelle les États-Unis éliminent le principe de l’étalon-or et qui inaugure une nouvelle phase de l’impérialisme américain, voit l’endettement généralisé, pour des dépenses non somptuaires mais garantissant de « vivre au-delà de la simple survie ». David Graeber évoque l’« immense appareil bureaucratique ayant pour mission de créer et de maintenir le désespoir », et donc de maintenir ce statu quo. Or, rappelle-t-il : « Pendant l’essentiel de l’histoire de l’humanité, chaque fois qu’un conflit politique ouvert a éclaté entre classes sociales, il a pris la forme d’un plaidoyer pour l’annulation des dettes – la libération des asservis et, en général, la redistribution plus équitable des terres. » Et de conclure : le marché ne saurait être la plus haute forme de liberté humaine, et le monde nous doit de quoi vivre.

 

Par : Kenza Sefrioui

 

Dette, 5 000 ans d’histoire

David Graeber, traduit de l’anglais (États-Unis) par Françoise et Paul Chemla

Babel, 672 p., 78 DH


Digressions sur la communication électorale

Ecrire, la veille du scrutin, sur des élections ne sert à rien. Les choix sont faits. Les têtes sont saturées. Les chemins sont pavés de feuilles volantes. Le ras-le-bol de tous ceux qui désespèrent est à son apogée.  Et puis, ce n’est ni le temps des bilans ni même celui des pronostics. Personne n’a assez de données ni même de prévisions étayées pour s’y aventurer. Et pourtant, en suivant quelques tendances médiatiques, je me suis dit que cela valait le coup de les mettre côte à côte.

L’effondrement des classes moyennes

L’effondrement des classes moyennes

Auteur : Louis Chauvel

Le sociologue français Louis Chauvel tire la sonnette d’alarme sur la décomposition du noyau des classes moyenne, phénomène ignoré par une pensée postmoderne.

 

Elles formaient le cœur du projet des démocraties modernes. Les classes moyennes sont aujourd’hui en danger et, avec elles, une société « confiante dans sa capacité de transmettre aux générations suivantes un monde en progrès ». Spécialiste de l’analyse des structures sociales et du changement par génération, Louis Chauvel, professeur de sociologie à l’Université du Luxembourg et auteur du remarqué Classes moyennes à la dérive (Seuil, La République des Idées, 2006), propose dans ce nouvel ouvrage une « sociologie d’un monde en déconstruction ». Cet essai, très précis, s’appuie, pour mesurer les phénomènes sociaux, sur diverses lois mathématiques et croise de multiples paramètres. Il est émaillé de graphiques et illustré d’exemples empruntés à l’histoire. Louis Chauvel fait le tour de la question en cinq points.

Tout d’abord, il souligne la reconstitution d’inégalités « vertigineuses ». Loi de Pareto, coefficient de Gini, exemples tirés de la Rome antique et de l’Égypte pharaonique l’aident à établir des ordres de grandeur qui « signalent l’intensité de l’écrasement économique de la base par une verticale qui tend à l’infini ». Un effet de fronde permet par ailleurs de comprendre comment « les changements de forme de répartition qui engendrent des différences sensibles dans la partie médiane de la distribution suscitent aux extrêmes des transformations considérables ». D’où le phénomène du « gagnant-rafle-tout ». C’est aussi ce qui explique le retour en force du patrimoine au détriment du revenu. Le rapport patrimoine sur revenu (ou « le nombre moyen d’années d’accumulation du revenu nécessaire à la constitution du patrimoine »), qui était de 2 ans dans les années 1980 est aujourd’hui de 6 ans. Les ménages devront donc travailler deux fois plus pour acheter le même bien, et l’écart se creuse entre « une classe d’héritiers-rentiers » et ceux qui doivent travailler pour vivre. Cette repatrimonialisation signifie également la reconstitution de modèles dynastiques de familles, donc le retour, selon Max Weber, à un « modèle archaïque, sans avenir dans le capitalisme rationnel ».

Louis Chauvel développe ensuite le malaise des classes moyennes, à leur tour touchées par les difficultés qui ne touchaient jusque-là que les catégories populaires. Le pouvoir d’achat est en baisse. Le chômage menace la sécurité vis-à-vis du lendemain. Les titres scolaires sont dévalorisés, il en faut de plus en plus mais ils sont de moins en moins suffisants à la réussite sociale, tant ils sont peu en adéquation avec des emplois véritables. Une « civilisation de classe moyenne », c’est une société de travailleurs, accordant une protection sociale généralisée, où la sphère politique est contrôlée par des catégories intermédiaires (syndicats, associations), qui œuvrent dans l’intérêt du plus grand nombre, avec un espoir de méritocratie et une croyance dans le progrès, rappelle-t-il. On voit bien les conséquences politiques de l’effondrement de cette civilisation.

Le troisième paramètre qu’analyse Louis Chauvel est la fracture générationnelle. Il insiste notamment sur la gravité des conséquences d’une crise au moment de l’étape de « socialisation transitionnelle ». Celle-ci est marquée par le problème du « rendement socio-économique des titres scolaires ». Louis Chauvel porte un jugement acerbe sur la méritocratie en France, « au mieux l’adéquation de la position acquise et du dernier concours obtenu à l’âge de vingt ans et quelques », bref, une « société de connivence ». Il épingle aussi l’absence de planification à long terme et de réflexion sur l’employabilité des diplômés, qui plonge des générations dans l’impasse. Il souligne d’autre part le déclassement résidentiel et les nombreux facteurs de stress social (conduite à risque, drogues, suicide…).

Le quatrième point porte sur la situation globale de la France dans le monde. Les indicateurs de stabilité dans un monde qui se transforme très vite ne sont pas bon signe, explique Louis Chauvel. « Des années 1960 à la décennie 1980, l’Occident observait le monde de haut, de plus en plus. Depuis, il faut s’habituer à regarder une partie de l’ancien tiers monde sur le côté, voire par-dessous. »

Enfin Louis Chauvel se penche sur le déclassement systémique, c’est-à-dire le cumul, dans une société, de divers déclassements, personnel, par rapport à la génération précédente, scolaire, géographique. S’appuyant sur l’analyse de l’essor de Rome par Tainter, il pose la question de ce que pourrait être une « civilisation soutenable » et appelle à une réflexion sur les conditions du retournement de la tendance au déclassement systémique.

 

Contre le déni

 

Ce livre est avant tout un plaidoyer contre une pensée postmoderne. Louis Chauvel s’indigne de l’aveuglement généralisé face à cette situation. Il s’en prend au « mur du déni » et met en cause tout une génération de chercheurs, historiens, sociologues, etc. « pour qui la notion même de réalité est remise en cause », tant ils préfèrent interroger « les conditions sociales de [sa] construction », au risque de perdre de vue l’objectif : alerter l’opinion sur les phénomènes sociaux. « À l’ère postmoderne du « tout est construit », voire du « tout doit être dé(cons)truit », où un bon mémoire de master s’arrête au point où l’étudiant montre que l’objet étudié est une construction sociale, il est devenu banal de dénoncer l’idée même de réalité. » Or, précise Louis Chauvel, « la nocivité des faits sociaux ne fait que redoubler quand leur réalité est rejetée hors de la conscience sociale ». Louis Chauvel souligne que ce déni est normal dans en période de crise : face à une réalité inacceptable, s’enclenche un processus d’illusion et de « revoilement du monde ». Mais, rappelle-t-il, citant Norbert Elias, « la sociologie est la discipline des chasseurs de mythes ». Et de conclure : « La première urgence est de reconstruire la vérité, comprise comme la correspondance entre le monde des connaissances et celui de la réalité ». Faute de quoi, aucune politique adéquate ne pourra être mise en œuvre pour endiguer le phénomène.

 

Par : Kenza Sefrioui

 

La spirale du déclassement, essai sur la société des illusions

Louis Chauvel

Seuil, 224 p., 210 DH


La fabrique de l’injustice

La fabrique de l’injustice

Auteur : Irene Bono, Béatrice Hibou, Hamza Meddeb et Mohamed Tozy

Quatre chercheurs en sciences politiques contextualisent la demande de justice sociale exprimée par les Printemps arabes et soulignent le rôle de l’État comme matrice d’inégalité légitime.

 

Les Printemps arabes, une date ? Certes, mais cela n’implique pas une rupture sur tous les plans. Quatre chercheurs en sciences politiques analysent la question de l’injustice sociale au Maghreb et en éclairent les différentes modalités par une réflexion sur la façon dont l’État produit des inégalités et les légitime en fonction des luttes sociales. Irene Bono est maître de conférences à l’Université de Turin et chercheure associée au Centre de recherches Économie, société, culture (CRESC) de l’Université Mohammed VI-Polytechnique de Rabat ; Béatrice Hibou est directrice de recherche au CNRS et directrice adjointe du CRESC ; Hamza Meddeb est chercheur à la Fondation Carnegie et Mohamed Tozy, directeur du CRESC, est professeur aux universités d’Aix-en-Provence et Casablanca. Tous prennent des distances avec les récits se focalisant sur les acteurs ou adoptant des catégorisations comme « mouvements sociaux », « réseaux sociaux », « jeunes », « société civile » ou encore « élites rentières ». Avec les outils de la sociologie historique et  comparée du politique, ils se penchent sur l’injustice sociale dans sa dimension relationnelle : marginalisation, asymétrie, et surtout construction des discours de revendication, des modalités de négociation avec le pouvoir, de l’articulation entre centre et périphéries en termes géographiques mais aussi sociaux. « L’injustice est affaire de perception », soulignent-ils en introduction, en insistant sur leur volonté d’interroger les catégories, les dénominations employées par les acteurs et les personnes rencontrées lors de leurs travaux de terrain.

 

Dimension relationnelle

 

Neuf études composent ce dense essai portant sur le Maroc et la Tunisie. Les auteurs s’intéressent à des questions qui ont été abondamment soulevées dans la presse à propos des Printemps arabes, pour les remettre dans un contexte historique, social et politique plus large.

Ainsi, Irene Bono analyse au Maroc les discours sur la jeunesse comme catégorie d’exclus : dans « La démographie de l’injustice sociale au Maroc : les aléas de l’appartenance nationale », elle se penche sur l’histoire des recensements depuis le protectorat. « La construction de la jeunesse en catégorie de classement des individus s’inscrit dans une conception des activités productives non plus comme source de données, mais comme objectif politique de connaissance de la population » : cela implique de comprendre ce qui est « politiquement pensable » en termes d’immobilisme social ou de mécanismes d’inclusion dans la communauté nationale. Dans « L’emploi comme « revendication sectorielle » : la naturalisation de la question sociale au Maroc », elle étudie la façon dont « la réflexion sur l’emploi a été progressivement vidée de contenus politiques » au fur et à mesure que l’économie était pensée « comme une sphère autonome » depuis les années 1950, d’où « la fragilité des politiques actives pour la promotion de l’emploi ».

Hamza Meddeb, lui, analyse la précarité en Tunisie. « Rente frontalière et injustice sociale en Tunisie » décrit l’économie de la frontière. Contrebande, fraude, sont un modèle de pragmatisme étatique, puisque « la marginalisation des régions frontalières et l’absence de politiques de développement depuis de nombreuses décennies ont transformé ces activités frauduleuses en une véritable « économie de la nécessité » assurant par les marges l’inclusion des laissés-pour-compte et incarnant une forme de « développement par substitution » de territoires paupérisés ». Bref, un « capitalisme des parias » impliquant négociation avec la police et les représentants du gouvernement. Dans « L’attente comme mode de gouvernement en Tunisie », il analyse le comportement des pouvoirs locaux après 2011, tiraillés entre deux conceptions du politique, « celle centrée sur l’établissement d’une démocratie représentative, fondée sur la pratique élective et soucieuse des équilibres macroéconomiques et budgétaires et, d’autre part, une conception populaire du politique, focalisée sur le quotidien, à savoir le droit au travail et l’accès à la sécurité économique ». La gestion de la pénurie d’emplois génère donc du bricolage et des pratiques infantilisantes vis-à-vis des jeunes, pour maintenir une certaine « stabilité dans la précarité ».

Quant à Béatrice Hibou, elle s’intéresse, dans « La formation asymétrique de l’État en Tunisie : les territoires de l’injustice », à la face cachée du modèle de développement sous Benali : données truquées, inégalités régionales, sous-traitance comme « vecteur du renouvellement du gouvernement à distance des régions de l’intérieur », le tout avec une vision centralisée et unitaire de l’État malgré la décentralisation, créant un imaginaire d’extériorité de l’État par rapport à la société. Dans « Le bassin minier de Gafsa en déshérence : gouverner le mécontentement social en Tunisie », elle étudie les problèmes liés au partage de la rente et la « crise de l’intermédiation » qui en découle.

Mohamed Tozy, lui, revient sur « Les enchaînements paradoxaux de l’histoire du salafisme : instrumentalisation politique et actions de sécularisation » : il en décrypte les dogmes et les tendances, portraiture ses principales figures et relève le parallèle entre salafisme et « autoentrepreneuriat », notamment dans le secteur informel.

Enfin deux articles sont cosignés par Mohamed Tozy et Béatrice Hibou. « L’offre islamiste de justice sociale : politique publique ou question morale » relève un paradoxe au Maroc : « les discours du PJD sont majoritairement centrés sur les pauvres, conformément à leur engagement religieux et à leur piété, dans une vision réparatrice de l’injustice qui fait partie des leviers de la rédemption ; mais concrètement, les politiques sociales mises en œuvre par le gouvernement islamiste […] sont principalement dirigées vers la classe moyenne qui constitue leur clientèle politique. » En Tunisie, la « culture de la transaction » correspond à une stratégie pour passer « d’un projet de domination autoritaire à un projet d’hégémonie culturelle ». Dans « Gouvernement personnel et gouvernement institutionnalisé de la charité : l’INDH au Maroc », les coauteurs étudient « la charité entre marché et État », ainsi que les procédés de récupération jusqu’aux Printemps arabes.

En cause partout, le modèle de développement depuis plusieurs décennies, et ses récentes évolutions néolibérales. Un livre qui ouvre de nombreuses pistes de réflexion et de débat, et qui a été écrit avec l’espoir de contribue à penser le changement.

 

Par : Kenza Sefrioui

 

L’État d’injustice au Maghreb, Maroc et Tunisie

Irene Bono, Béatrice Hibou, Hamza Meddeb et Mohamed Tozy

Karthala, Recherches internationales, 444 p., 27 €


« Islam pride » et « thanatopolitique »

« Islam pride » et « thanatopolitique »

Auteur : Fethi Benslama

Fethi Benslama décrypte à la lumière de la psychanalyse le phénomène de radicalisation au nom de l’islam et ses pulsions sacrificielles.

 

« L’islamisme a été trop souvent traduit dans le langage des théories modernes du politique (l’islam politique), oubliant que sa visée fondamentale est la fabrication d’une puissance ultra-religieuse qui renoue avec le sacré archaïque et la dépense sacrificielle, même si elle use d’adjuvants de la technologie moderne », estime Fethi Benslama. Pour le psychanalyste tunisien, qui enseigne la psychopathologie clinique à l’Université Paris-Diderot, la psychanalyse peut apporter un éclairage pas seulement sur des trajectoires individuelles, mais aussi sur les forces collectives à l’œuvre. L’auteur de La psychanalyse à l’épreuve de l’islam (Flammarion, 2002) et de La guerre des subjectivités en islam (Lignes, 2014) estime en effet qu’il y a des liens entre le psychique et le politique, et pense ceux-ci à la lumière de l’actualité marquée par les phénomènes de radicalisation au nom de l’islam.

La première partie de ce bref et dense ouvrage retrace les dynamiques de radicalisation et pense l’articulation entre savoir et crainte. Fethi Benslama souligne l’importance des technologies de communication pour prolonger la terreur et « nous appliquer l’état de choc du survivant » : « L’association entre une violence aveugle et la volonté de la donner à voir constitue un nouveau franchissement qui fait du meurtre et du suicide une communication et un spectacle ». Il évoque les travaux sur « l’ambigüité morale de la violence », avec le « retournement du résistant en terroriste et inversement », ainsi que les travaux récents décrivant les facteurs de radicalisation : « le contexte social et idéologique, la trajectoire individuelle et subjective, l’adhésion à un groupe radical ». Et il déplore que nombre de travaux fassent l’impasse sur la dimension psychologique voire psychopathologique du phénomène. Pour lui, si la radicalisation n’est plus seulement le fait des classes populaires, l’élément le plus significatif est l’âge des radicalisés : les deux tiers ont entre 15 et 25 ans, donc sont « de jeunes adultes qui se trouvent dans la zone moratoire où la traversée de l’adolescence est susceptible de connaître une extension et un état de crise prolongé. » Un âge où est centrale la problématique des idéaux « à travers lesquels se nouent l’individuel et le collectif, le subjectif et le social dans la formation du sujet », idéaux qui comportent « une radicalité potentielle et explosive, dont les manifestations dépendent des variations individuelles et du contexte sociohistorique ». Pour Fethi Benslama, l’impact de « l’offre jihadiste » s’explique, en plus de « cette « niche écologique » de l’idéal islamiste radical sur les plans démographique, économique, politique et géopolitique », par la psychanalyse. Et de retracer l’avidité d’idéaux d’un sujet qui veut se réinventer, y compris via des conduites ordaliques. Quand l’offre de radicalisation rencontre la demande formulée en état de fragilité identitaire, c’est la « sédation de l’angoisse, un sentiment de libération, des élans de toute-puissance » : « le sujet cède à l’automate » en sacrifiant sa singularité. À la différence de la secte où « l’individu s’assujettit aux fantasmes ou à la théorie délirante du gourou, à son exploitation économique, voire sexuelle », le jihadiste adhère «  à une croyance collective très large, celle du mythe identitaire de l’islamisme, alimentée par le réel de la guerre, à laquelle on lui propose de prendre une part héroïque, moyennant des avantages matériels, sexuels, des pouvoirs réels et imaginaires ». Un mélange de mythe et de réalité « plus toxique que le délire », conclut Fethi Benslama, qui souligne les clefs de voûte de ce mécanisme : séduction narcissique, justice identitaire, dignification et accès à la toute-puissance, repentir et purification, restauration du sujet de la communauté contre le sujet social, effacement de la limite entre la vie et la mort…

 

Désespoir musulman

 

La seconde partie analyse l’offre islamiste pour proposer des pistes de dépassement. Pour Fethi Benslama, « l’islamisme est l’invention par des musulmans, à partir de l’islam, d’une utopie antipolitique face à l’Occident, non sans user d’une partie des créations politiques de ce dernier ». Il conteste en effet la notion d’islam politique, en rappelant qu’« à l’exception de la période de la prédication de Mahomet, et peut-être de quelques-uns de ses successeurs immédiats, la subordination de la religion au pouvoir politique a toujours été la règle » : au contraire, l’islamisme viserait à subordonner le politique au religieux, et même à l’y faire disparaître. Une « sortie du politique par la religion », dont Fethi Benslama retrace l’histoire de la doctrine depuis le choc produit par l’expédition de Napoléon en Égypte et la perte de sens pour les musulmans qui s’est ensuivie. Conséquence de cette histoire sur le plan psychique : le surmusulman, qui fait de la surenchère par rapport à la tradition (« fondée sur l’idée de l’humilité »), pour « manifester l’orgueil de sa foi à la face du monde : Islam pride ». Cette figure attire les délinquants en puissance, désirant « être des hors-la-loi au nom de la loi, une loi supposée au-dessus de toutes les lois, à travers laquelle ils anoblissent leurs tendances antisociales, sacralisent leurs pulsions meurtrières » pour s’en prendre aux ennemis extérieur (l’Occident) et intérieur (le musulman « Occidenté »). Mais loin d’avoir un projet politique, l’action des surmusulmans se place sur le plan de l’espérance religieuse, en procédant par désidentification d’avec l’humanité, en aspirant à la mort et en adoptant des conduites obsessionnelles dont la « fatwa-folie » est significative. Pour Fethi Benslama, ce qui se joue, au-delà des trajectoires individuelles, n’est donc pas l’opposition entre laïcité et religion, mais « la transformation du pacte de la communauté en contrat social ». Une réflexion, elle, politique, qu’il est urgent de mener.

 

Par : Kenza Sefrioui

 

Un furieux désir de sacrifice : le surmusulman

Fethi Benslama

Seuil, 160 p., 15 €


Un extraordinaire héritage au profit de l’agriculture familiale

Un extraordinaire héritage au profit de l’agriculture familiale

Auteur : Mohammed El Faiz

« Agronomie et agronomes d’al Andalus »[1] est le fruit d’un travail de l’économiste Mohammed Faiz s’inscrivant parfaitement dans le cadre de son projet de recherche amorcé depuis près de 20 années déjà. Les travaux de recherche de Faiz  embrassent l’histoire de  l’agronomie,  des jardins, de  l’hydraulique et de la ruralité dans l’espace de la  Méditerranée occidentale, et plus particulièrement le Maroc et l’Espagne. L’auteur a déjà derrière lui une série de publications à ce propos parmi lesquelles on citera : Maîtres de l'eau - Histoire de l'hydraulique arabe ( Ed Actes Sud 2005, 362 p)ainsi que « Jardins du Maroc, d'Espagne et du Portugal »(Actes Sud 2003, 237 p).

Ouvrage très riche en données historiques liées à l’économie de ce qu’on appelle parfois l’occident arabe, ce nouveau livre pourrait être abordé de plusieurs façons. L’une , tout à fait  légitime, liée à  la discipline académique, consiste à examiner l’héritage  d’une expérience historique, celle en matière agricole et agronomique de la présence musulmane  (ou arabo -musulmane) en Espagne , avec ses problématiques propres et ses débats particuliers ; une autre lecture pourrait être beaucoup  moins contraignante et consisterait en une démarche exploratoire  à travers les passages de ce beau travail, pour redécouvrir les jardins perdus de l’Andalousie, en connaitre l’histoire ; les couleurs, les saveurs et les  espaces. L’une n’empêchant pas forcément l’autre, ce travail est une invitation à d’autres recherches et d’autres réflexions à faire pour mieux se débarrasser des préjugés handicapant la liberté d’accéder à l’histoire, son patrimoine scientifique, et ses voies potentiellement fécondes afin de mieux aborder les problèmes de notre époque.  Plus qu’une question d’équité par rapport à un passé, on peut retrouver à travers les pages de ce livre la rigueur nécessaire à un livre d’agronomie et la passion pour une agriculture durable plus écologique, saine et plus humanisée.

L’agriculture à laquelle s’attache l’ouvrage est une expérience qui a débuté au 8èmesiècle (Après JC) dans la péninsule ibérique pour se poursuivre jusqu’au 16 ème siècle, plus de cent ans après l’expulsion de ses habitants musulmans et juifs. Après huit siècle de présence musulmane partielle ou totale, Al Andalus a légué une riche bibliothèque agronomique et l’émergence d’une discipline et un savoir en construction dont l’apport n’a pas encore bénéficié de la reconnaissance ni des académiciens ni du grand public.

 

Un héritage de huit siècles !

L’auteur constate que du 11éme au 14 ème siècle, l’Espagne islamique a présenté une extraordinaire production bibliographique en matière agricole et agronomique, mais c’est surtout entre le 11éme et le 12 eme siècle que cette science a connu son apogée. L’auteur le démontre à travers 4 traités d’Ibn Bassal[i], Ibn Hajjaj[ii], Abou lkhair[iii] et Tighnari [iv]produits en cette époque. Jusqu’au 16éme siècle, Al Andalus est restée un laboratoire vivant où les agronomes et curieux viennent s’inspirer.

Mais qui sont ces agronomes précoces ?  Très souvent, on connait peu de leur profil individuel sauf dans le cas où ces personnes sont reconnues par rapport à des faits hors du domaine agronomique, cette bibliographie rapportait parfois des leçons, des expériences, un état des lieux ou une organisation spécifique, elle se présentait parfois sous forme de guide ou d’encyclopédie, d’autres fois elle avait pour rôle la vulgarisation ; comme l’œuvre d’Ibnluyun(originaire d’ Almeria , 14ème siècle)

Le travail de Dr Faiz apporte aussi un éclairage sur l’histoire économique de l’Espagne musulmane, laquelle constitue en soi un lieu de divergence entre académiciens. L’auteur considère notamment que les récents travaux des chercheurs ont beaucoup avancé pour dépasser ce piège qui a marqué plus de trois siècles de controverses sur la nature de l’économie de cette région en époque médiévale . Dès 1974 Pedro Chalmeta[v] a démontré que la société Andalus ne relève pas du mode de production féodal qui a dominé l’Europe.  Il a ainsi rejoint le point de vue de l’économiste Samir Amin Se basant sur les écrits de Ibn khaldoun,[vi]L’économiste a conclu déjà que la formation économique et sociale de l’Andalus est de type tributaire-commerçante. Dr Faiz adopte cette option se fondant sur d’autres données et va plus loin dans son analyse à travers le modèle dit d’économie paysanne.

 

Une économie paysanne fondée sur une agriculture familiale

Puisant dans les écrits et manuscrits des agronomes de cette époque Dr Faiz procède à l’examen du monde des exploitations agricoles de l’Espagne musulmane, marquée par le type familial.Au niveau pratique, il relève l’impact de l’ordre juridico politique et idéologique dominant sur cette activité mais insiste sur « l’économie paysanne » déclinée à travers la domination de l’agriculture au niveau de la production et de l’emploi, la séparation entre les villes et les campagnes, l’existence d’une puissance publique et l’importance des ménages paysans dans le travail .En terme d’espace, les territoires de l’Andalus semblent confirmer l’hypothèse « d’un espace humainement dense et bien cultivé ».L’architecture étant articulée autour de villages construits soit sur des hauteurs ou sur le bord de fleuves ;les jardins potagers et les vergers au voisinage des habitations, l’aire de dépiquage plus loin. Les exploitations agricoles prolongeaient au-delà du finage immédiat l’espace productif des villages.  Les données compilées dans les manuscrits permettent déjà de confirmer la domination de cette économie paysanne.

En outre, Ibn al awwam[vii] a offert un guide de l’économie rurale au 12ème siècle, avec l’inventaire des expériences d’al Jarafe de Séville, la capitale agricole de l’occident musulman et la première grande maison rustique d’al Andalus une œuvre qui traite de l’agriculture dans ses rapports annexes avec l’élevage, la médecine vétérinaire, apiculture les animaux de la bassecour, les industries alimentaires….

 

La question des origines de l’agriculture d’Al Andalus

Pour l’auteur, s’interroger sur les origines de ce savoir est le prélude nécessaire à l’évaluation de son héritage scientifique. Il y apporte son argumentaire pour affirmer qu’en premier, l’héritage est babylonien, à travers le traité « kitab al filaha nabatéa » au 10ème siècle[viii].

De son point de vue cette influence, au-delà des textes des agronomes andalous, s’est exprimée par les méthodes culturales, lesquelles ont adopté tant les aspects rationnels que le merveilleux de l’agriculture nabatéenne.

Pour se débarrasser des origines supposées gréco latines, l’auteur consacre tout un chapitre à la question de savoir dans quelle mesure Columelle aurait influencé les agronomes d’Al Andalus ? (Columelle 1er siècle apr. JC), il dénonce une confusion regrettable chez les chercheurs et historiens, les sources arabes ont cité en effet Yunius pour désigner non pas Columelle mais l’œuvre de Vindanyunius Anatilius de Berytos , un syro-libanais de Beyrouth du 4 ème siècle ap JC. Or certains historiens soucieux de prouver l’origine latine de l’agriculture d’al Andalus se sont précipités pour le confondre avec Columelle.

Pour Faiz, l’économie d’Al Andalus est essentiellement rurale et paysanne, et ses agronomes sont des penseurs de la ruralité et défenseurs des agricultures familiales. Il écrit « bien que l’urbanisation d’Al Andalus fut assez avancée, l’économie est restée essentiellement une économie paysanne. La prépondérance de l’agriculture est confirmée par le faible effectif de la population urbaine par rapport à la population rurale et par la contribution plus importante de l’impôt agricole comparativement aux prélèvements sur l’activité commerciale ».

 

Quels buts les agronomes de l’Andalus poursuivaient-ils ?

L’auteur assure qu’ils se rejoignent tous pour insister sur l’intensification de l’agriculture reposant sur l’irrigation, l’emploi des engrais, l’amélioration des méthodes culturales, plus exactement la façon de travailler le sol et la rationalisation de la gestion des exploitations agricoles. Fait surprenant, les agronomes de l’Andalus ont adopté une approche novatrice liant les aspects agro-techniques aux aspects socioéconomiques, ce qui pousse l’auteur à parler de « révolution agricole » illustrée par des innovations destinées exclusivement au service des exploitations familiales.

Al Jarafe de Séville a émergé au cours du 11 et 12 ème siècle comme étant la capitale agricole de l’occident musulman, mais ce centre d’expérimentation agricole   n’est pas une exception, il s’inscrit dans une tradition qui a commencé dès le 8ème siècle à Cordoue sous l’ère omeyyade avec la création du premier jardin botanique de Roussafa, s’inspirant des jardins de la Syrie. Des jardins d’essais ont proliféré durant toute la période de l’Espagne musulmane à travers tout Al Andalus notamment à Tolède, Saragosse, Almeria, Valence et Tortosa. Cependant, Al jarafe de Séville était un site exceptionnel.

Les sources disponibles évoquent « 200 à 8000 villages bien peuplés, disposant d’habitations agréables et de bains maures , ils apparaissent sous leur badigeon de chaux blanche(comme) des étoiles dans un ciel d’oliviers ».Sur ces lieux les écrits attestent d’expériences qui ont embrassé différentes disciplines (hydrologie, pédologie, engrais,..) ainsi que des expériences spécifiques d’oléiculture, riziculture, viticulture, arboriculture, coton ,canne à sucre ,palmiers….

L’auteur consacre un chapitre particulier à la culture des agrumes dans les vergers d’Al Andalus, et constate que la systématique universelle la plus complète des grumes a figuré pour la première fois dans un ouvrage anonyme de Séville. Ce document extraordinaire a servi de référence pour les travaux ultérieurs d’Ibn al Awwam, et surtout d’Ibn Bassal qui ont examiné les techniques de culture des agrumes dans le pays et ses procédés d’amélioration.

 

Une véritable agrumomania

L’Espagne musulmane a connu selon l’auteur une véritable agrumomania, s’appuyant sur le développement des jardins favorisant l’imagination des agronomes et jardiniers arabes, pour la recherche des greffes les plus folles et l’exploitation des possibilités ornementales des différentes espèces de citrus…

Le modèle de l’Agdal ou la buhayra s’est développé sous forme de jardins impériaux à proximité des palais des émirs et ce fut à l’époque des almohades que ce modèle a pris son ampleur dans le Maghreb et Al Andalus, notamment grâce à la maitrise de l’hydraulique. Le témoignage des agronomes a permis à nos générations de comprendre aujourd’hui comment l’agrumiculture depuis son implantation jusqu’au moment où elle a atteint son plein développement, a constitué un élément fondamental des paysages agricoles et de l’esthétique des jardins en Al Andalus .

Dr Faiz note qu’à côté des agrumes, ces agronomes ont introduit les premières cultures tropicales dans l’Andalus de la méditerranée, notamment la canne à sucre,le bananier et le coton ouvrant la voie à l’aventure des plantes asiatiques et l’expérience des variétés amenées plus tard du nouveau monde.

Il estime que l’héritage agro-technique d’Al Andalus apporte un soutien indiscutable au développement de l’agriculture familiale considérée comme alternative adaptée pour traiter des limites et réalités actuelles du modèle industriel productiviste. En guise de conclusion Mohammed Faiz insiste d’abord sur l’aspect hydraulique très élaboré qui nécessite la réhabilitation aujourd’hui pas uniquement par fidélité à une expérience  avancée mais surtout en relation avec les problèmes et les besoins actuels de l’humanité (les traités d’al karaji[ix] et ibn al awwam). Ensuite, les acquis se trouvent aussi en matière d’exploitation des sols et de la pédologie ainsi que dans l’utilisation des engrais organiques et les méthodes de fertilisation des sols. « Dans un monde encore tenaillé par la faim et la pauvreté, on ne doit pas perdre de vue que la fonction première de l’agronomie est celle de subvenir aux besoins humains », conclut-il.

 

 

[1] Par Mohammed Al Faïz ; Agronomie et agronomes d’Al-Andalus,  Ed. La croisée des chemins, avec  le Centre de recherche Economie, Société, Culture (CRESC), EGE, Rabat.

 

 

[i] Kitab al-filaha (Libro de agricultura) par  Ibn Bassal Atolaiteli  , 11ème siècle.

[ii]Al moknii fi al filaha , ibn al hajjaj al ichbili 11ème siècle.

[iii] Abū l-Khayr al-Ishbīlī, Kitāb al-Filāha.. Introduccion, edicion e indices por Julia Maria Carabaza Bravo. Madrid : Instituto de Cooperacion con el Mundo Arabe, 1991.

[iv]Muhammad ibn Malik al-Murri dit al-Tighnari en liaison avec la localité de Tighnar près de Grenade où il a vécu  (1073–1118),

[v]P.chalmeta : concessions territoriales en Al Andalus .Cuadernos de Historia (Hispania) VI 1975.

[vi] S Amin : le développement inégal. Ed de Minuit.

[vii] Kitab al filaha par Yahya Ibn al Awwam Al Ichbili (12ème siècle)

[viii] Ibn Wahshiyya, écrit du 10ème siècle.

[ix]né à la fin du xe siècle et est mort au début du xie siècle et avec certitude après 1015 à Bagdad ,auteur de :  Inbat al-miyah al-khafiya.


Est-ce la fin de la dé-formation professionnelle au Maroc ?

La question de l’emploi comporte naturellement une composante relative aux politiques d’apprentissage et de formation professionnelle. Des postes d’emploi sont souvent disponibles pour des gens qualifiés en possession d’aptitudes et capacités précises. Une condition valable localement, au niveau d’une région donnée ou ailleurs à travers le village planétaire.

 

Appauvrissement de l’apprentissage et élimination de la formation

 

Life stories of SAHWA

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Dans le cadre du projet SAHWA et de l'enquête menée par le Cesem sur la jeunesse au Maroc, nous vous invitons à découvrir Kaoutar et Ayoub, uns des jeunes ayant participé à l'étude.  http://bit.ly/28VJMFZ

  


Art absolument : Entretien avec Driss Ksikes
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Dans le dernier numéro de la revue Art absolument, lisez l'entretien avec Driss Ksikes, écrivain et directeur du Cesem, centre de recherche de HEM.

Lien vers l'entretien : http://bit.ly/28XZ77C


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